L’éducation civique en Suisse: branche spécifique ou enseignement transversal?
Un grand fossé entre espérances patriotiques et réalités pédagogiques
1er août 2016 – Dr Nicolas Schmitt
1. Présentation de la problématique
1.1. Situation de départ
Constatant les carences des jeunes pour ce qui concerne leurs connaissances en matière d’instruction civique, un groupe de citoyens du canton du Tessin a lancé une initiative populaire visant à pérenniser l’enseignement de l’instruction civique en le transformant en une branche spécifique. L’instruction publique étant une matière cantonale, les initiants se sont adressés à l’Institut du Fédéralisme pour savoir quelle était la situation de la branche en Suisse et juger de l’opportunité de leur démarche[1].
De fait, la recherche s’est vite révélée compliquée au vu de la manière à la fois hétérogène et opaque dont l’instruction civique est enseignée dans notre pays, ce qui se traduit d’un côté par l’absence de sources précises et de l’autre par un foisonnement d’initiatives et d’interventions parlementaires visant à réformer le système. Le chercheur doit se guider dans une véritable jungle idéologique dans laquelle une machette normative fait défaut. Au surplus, on s’aperçoit vite que cette problématique n’est pas uniquement juridique, mais qu’elle comporte un volet pédagogique qu’il ne faut pas négliger, mais qui n’est pas évident à appréhender.
Pourtant, la question ne manque pas d’intérêt, d’autant que les préoccupations des Tessinois sont partagées – nous le verrons – par de nombreux parlementaires qui se sont préoccupés de l’instruction civique. Mais leurs propositions sont-elles réalistes ? Réalisables ? Ou bien ce désintérêt pour la chose civique est-il inscrit dans un mouvement d’une telle ampleur que les revendications des initiants et motionnaires ne peuvent matériellement plus être prises en compte ? A propos de ces motivations, d’ailleurs, quelles sont-elles vraiment ? Sont-elles toutes désintéressées, visent-elle le bien des jeunes ou ont-elles des arrière-pensées parfois moins avouables ?
1.1.1. L’initiative populaire tessinoise
Un comité d’initiative formé de citoyens tessinois a lancé une initiative populaire dont la teneur est la suivante (cit. trad.) :
Les citoyens soussignés ayant le droit de vote demandent que l’article 23a du chapitre 6 de la loi scolaire du 1er février 1990 soit modifiée de manière à ce que dans les écoles moyennes, moyennes supérieures et professionnelles il soit introduit une nouvelle branche d’enseignement appelée « Education civique, à la citoyenneté et à la démocratie directe » qui disposerait d’une base légale adoptée par un vote distinct ; une telle branche devrait être obligatoire et enseignée pendant au moins deux heures par mois ; de manière à éviter une augmentation des heures totales d’enseignement et les coûts y afférents, il est proposé de rattacher le temps nécessaire aux heures d’histoire.[2]
[1] Entre-temps, l’initiative a abouti ; cf. Rapporto della Commissione speciale du 20.11.2015 (Annexe 1.21.).
[2] « I sottoscritti cittadini aventi diritto di voto chiedono che l’articolo 23a del capitolo 6° della Legge sulla Scuola datata 1° febbraio 1990 venga modificato in modo che nelle Scuole Medie, Medie Superiori e Professionali venga introdotta una nuova materia di insegnamento denominata “Educazione Civica, alla Cittadinanza e alla Democrazia Diretta”, che abbia un proprio testo e un proprio voto separati; tale materia dovrà essere obbligatoria e dovrà essere insegnata per almeno due ore al mese; onde evitare un aumento delle ore totali di insegnamento, e relativi costi, si propone di ricavare il tempo necessario dalle ore di storia. »
Al seguente link è possibile scaricare il documento integrale Education civique en Suisse